Filtration de Moy-Prasad

Page d’aide sur l’homonymie

Pour les articles homonymes, voir Moy (homonymie) et Prasad (homonymie).

En mathématiques, la filtration de Moy-Prasad est un ensemble de filtrations d'un groupe réductif p -adique donné et de son algèbre de Lie, définie par Allen Moy et Gopal Prasad. La famille est paramétrée par l'immeuble de Bruhat-Tits ; chaque point de l'immeuble donne une filtration différente. Autrement dit, puisque le terme initial de chaque filtration en un point du bâtiment est le sous-groupe parahorique en ce point, la filtration de Moy-Prasad peut être considérée comme une filtration d'un sous-groupe parahorique d'un groupe réductif.

La principale application de la filtration de Moy-Prasad est la théorie de la représentation des groupes p-adiques. On définit grâce à la filtration la profondeur, un nombre rationnel, d'une représentation. Les représentations de la profondeur r peuvent être comprises en étudiant les r-ième sous-groupes de Moy-Prasad. Ces informations conduisent ensuite à une meilleure compréhension de la structure globale des représentations, et par conséquent de la théorie des nombres via le programme de Langlands.

Pour une exposition détaillée des filtrations de Moy-Prasad et des points semi-stables associés, voir le chapitre 13 du livre Bruhat-Tits theory: a new approach de Tasho Kaletha et Gopal Prasad.

Historique

Dans leurs travaux fondateurs sur la théorie des immeubles, François Bruhat et Jacques Tits ont défini des sous-groupes associés aux fonctions concaves du système de racines[1]. Ces sous-groupes sont un cas particulier des sous-groupes de Moy-Prasad, définis lorsque le groupe est scindé. Moy et Prasad[2] ont alors généralisé la construction de Bruhat-Tits aux groupes quasi-scindés, en particulier aux tores, et d'utiliser ces sous-groupes pour étudier la théorie de la représentation du groupe ambiant.

Exemples

L'algèbre de Lie de Q p × {\displaystyle \mathbb {Q} _{p}^{\times }} est Q p {\displaystyle \mathbb {Q} _{p}} , et ses sous-algèbres de Moy-Prasad sont les idéaux non nuls de Z p {\displaystyle \mathbb {Z} _{p}}  :

Groupe multiplicatif

Un autre exemple de groupe réductif p-adique est le groupe général linéaire GL n ( Q p ) {\displaystyle {\text{GL}}_{n}(\mathbb {Q} _{p})}  ; cet exemple généralise le précédent car GL 1 ( Q p ) = Q p × {\displaystyle {\text{GL}}_{1}(\mathbb {Q} _{p})=\mathbb {Q} _{p}^{\times }} . Comme GL n ( Q p ) {\displaystyle {\text{GL}}_{n}(\mathbb {Q} _{p})} est non-abélien (pour n 2 {\displaystyle n\geq 2} ), il comporte une infinité de sous-groupes parahoriques. Un sous-groupe parahorique particulier est GL n ( Z p ) {\displaystyle {\text{GL}}_{n}(\mathbb {Z} _{p})} . Les sous-groupes de Moy-Prasad de GL n ( Z p ) {\displaystyle {\text{GL}}_{n}(\mathbb {Z} _{p})} sont les sous-groupes d'éléments congrus à l'identité modulo certaines puissances de p {\displaystyle p} . Plus précisément, lorsque r {\displaystyle r} est un entier positif que nous définissons ( Z p × ) r = 1 + ( p Z p ) r = { u Z p × : u 1 mod p r } . {\displaystyle (\mathbb {Z} _{p}^{\times })_{r}=1+(p\,\mathbb {Z} _{p})^{r}=\{u\in \mathbb {Z} _{p}^{\times }:u\equiv 1{\bmod {p^{r}}}\}.} Les exemples suivants utilisent les nombres p-adiques Q p {\displaystyle \mathbb {Q} _{p}} et les entiers p-adiques Z p {\displaystyle \mathbb {Z} _{p}} . Un lecteur peu familier avec ces anneaux pourra plutôt remplacer Q p {\displaystyle \mathbb {Q} _{p}} par les nombres rationnels Q {\displaystyle \mathbb {Q} } et Z p {\displaystyle \mathbb {Z} _{p}} par les entiers Z {\displaystyle \mathbb {Z} } sans perdre l'idée principale. ( Z p ) r = ( p Z p ) r = { p r a : a Z p } . {\displaystyle (\mathbb {Z} _{p})_{r}=(p\,\mathbb {Z} _{p})^{r}=\{p^{r}a:a\in \mathbb {Z} _{p}\}.} Plus généralement, si r {\displaystyle r} est un nombre réel positif, on se ramène au cas entier : ( Z p × ) r := ( Z p × ) r , ( Z p ) r := ( Z p ) r {\displaystyle (\mathbb {Z} _{p}^{\times })_{r}:=(\mathbb {Z} _{p}^{\times })_{\lfloor r\rfloor },\qquad (\mathbb {Z} _{p})_{r}:=(\mathbb {Z} _{p})_{\lfloor r\rfloor }} Cet exemple illustre le phénomène général selon lequel, bien que la filtration de Moy-Prasad soit indexée par les réels positifs, la filtration s'altère uniquement sur un sous-ensemble discret et périodique (ci dessus, les entiers naturels).

Groupe linéaire général

M n ( Z p ) {\displaystyle {\text{M}}_{n}(\mathbb {Z} _{p})} est l'algèbre des matrices <i id="mwXQ">n × n</i> à coefficients dans Z p {\displaystyle \mathbb {Z} _{p}} . L'algèbre de Lie de GL n ( Q p ) {\displaystyle {\text{GL}}_{n}(\mathbb {Q} _{p})} est M n ( Q p ) {\displaystyle {\text{M}}_{n}(\mathbb {Q} _{p})} , et ses sous-algèbres de Moy-Prasad sont les espaces de matrices égales à la matrice nulle modulo certaines puissances de p {\displaystyle p}  ; quand r {\displaystyle r} est un entier positif que nous définissons GL n ( Z p ) r = 1 + ( p M n ( Z p ) ) r = { u M n ( Z p ) : u 1 mod p r } . {\displaystyle {\text{GL}}_{n}(\mathbb {Z} _{p})_{r}=1+(p\,{\text{M}}_{n}(\mathbb {Z} _{p}))^{r}=\{u\in {\text{M}}_{n}(\mathbb {Z} _{p}):u\equiv 1{\bmod {p^{r}}}\}.} Dans cet exemple, la filtration de Moy-Prasad sont communément notés GL n ( Q p ) x , r {\displaystyle {\text{GL}}_{n}(\mathbb {Q} _{p})_{x,r}} au lieu de GL n ( Z p ) r {\displaystyle {\text{GL}}_{n}(\mathbb {Z} _{p})_{r}} , où x {\displaystyle x} est un point de la construction de GL n ( Q p ) {\displaystyle {\text{GL}}_{n}(\mathbb {Q} _{p})} dont le sous-groupe parahorique correspondant est GL n ( Z p ) . {\displaystyle {\text{GL}}_{n}(\mathbb {Z} _{p}).} M n ( Z p ) r = ( p M n ( Z p ) ) r = { u M n ( Z p ) : u 0 mod p r } . {\displaystyle {\text{M}}_{n}(\mathbb {Z} _{p})_{r}=(p\,{\text{M}}_{n}(\mathbb {Z} _{p}))^{r}=\{u\in {\text{M}}_{n}(\mathbb {Z} _{p}):u\equiv 0{\bmod {p^{r}}}\}.} Enfin, comme précédemment, si r {\displaystyle r} est un nombre réel positif, on pose : GL n ( Z p ) r := GL n ( Z p ) r , M n ( Z p ) r := M n ( Z p ) r {\displaystyle {\text{GL}}_{n}(\mathbb {Z} _{p})_{r}:={\text{GL}}_{n}(\mathbb {Z} _{p})_{\lfloor r\rfloor },\qquad {\text{M}}_{n}(\mathbb {Z} _{p})_{r}:={\text{M}}_{n}(\mathbb {Z} _{p})_{\lfloor r\rfloor }} Soit G {\displaystyle G} un k {\displaystyle k} -groupe réductif, r 0 {\displaystyle r\geq 0} , et x {\displaystyle x} un point de l'immeuble de Bruhat-Tits de G {\displaystyle G} . Le r {\displaystyle r} -ième sous-groupe de Moy-Prasad de G ( k ) {\displaystyle G(k)} en x {\displaystyle x} est noté G ( k ) x , r {\displaystyle G(k)_{x,r}} . De même, la r {\displaystyle r} -ème sous-algèbre de Moy-Prasad Lie de g {\displaystyle {\mathfrak {g}}} en x {\displaystyle x} est noté g x , r {\displaystyle {\mathfrak {g}}_{x,r}}  ; c'est un O k {\displaystyle {\mathcal {O}}_{k}} -module libre, et même un réseau. (En fait, l'algèbre de Lie g x , r {\displaystyle {\mathfrak {g}}_{x,r}} peut également être définie lorsque r < 0 {\displaystyle r<0} , bien que le groupe G ( k ) x , r {\displaystyle G(k)_{x,r}} ne puisse pas l'être.)

Propriétés

Bien que la filtration de Moy-Prasad soit couramment utilisée pour étudier la théorie de la représentation des groupes p-adiques, on peut construire des sous-groupes de Moy-Prasad sur n'importe quel corps henselien de valuation discrète k {\displaystyle k} , et pas seulement sur un corps local non archimédien. Dans cette section et les suivantes, nous supposerons donc que le corps de base k {\displaystyle k} est henselien de valuation discrète, et O k {\displaystyle {\mathcal {O}}_{k}} son anneau d'entiers. Néanmoins, le lecteur est invité à supposer, par souci de simplicité, que k = Q p {\displaystyle k=\mathbb {Q} _{p}} , de sorte que O k = Z p {\displaystyle {\mathcal {O}}_{k}=\mathbb {Z} _{p}} .

Une propriété fondamentale de la filtration de Moy-Prasad est qu'elle est décroissante : si r s {\displaystyle r\leq s} alors g x , r g x , s {\displaystyle {\mathfrak {g}}_{x,r}\supseteq {\mathfrak {g}}_{x,s}} et G ( k ) x , r G ( k ) x , s {\displaystyle G(k)_{x,r}\supseteq G(k)_{x,s}} . On définit :

Sous certaines hypothèses techniques sur G {\displaystyle G} , une propriété importante supplémentaire est satisfaite. Par la propriété du sous-groupe du commutateur, le quotient G ( k ) x , r : s {\displaystyle G(k)_{x,r:s}} est abélien si r s 2 r {\displaystyle r\leq s\leq 2r} . Dans ce cas il existe un isomorphisme canonique g x , r : s G ( k ) x , r : s {\displaystyle {\mathfrak {g}}_{x,r:s}\cong G(k)_{x,r:s}} , appelé isomorphisme Moy – Prasad . L'hypothèse technique nécessaire pour que l'isomorphisme Moy – Prasad existe est que G {\displaystyle G} être apprivoisé, c'est-à-dire que G {\displaystyle G} se divise sur une extension docilement ramifiée du champ de base k {\displaystyle k} . Si cette hypothèse est violée alors g x , r : s {\displaystyle {\mathfrak {g}}_{x,r:s}} et G ( k ) x , r : s {\displaystyle G(k)_{x,r:s}} ne sont pas nécessairement isomorphes. [3] G ( k ) x , r + := s > r G ( k ) x , s , g x , r + := s > r g x , s . {\displaystyle G(k)_{x,r+}:=\bigcup _{s>r}G(k)_{x,s},\qquad {\mathfrak {g}}_{x,r+}:=\bigcup _{s>r}{\mathfrak {g}}_{x,s}.} Cette convention n'est qu'un raccourci de notation car pour tout r {\displaystyle r} , il existe ε > 0 {\displaystyle \varepsilon >0} tel que g x , r + = g x , r + ε {\displaystyle {\mathfrak {g}}_{x,r+}={\mathfrak {g}}_{x,r+\varepsilon }} et G ( k ) x , r + = G ( k ) x , r + ε {\displaystyle G(k)_{x,r+}=G(k)_{x,r+\varepsilon }} .

La filtration de Moy-Prasad satisfait aux propriétés supplémentaires suivantes[4].

  • Un saut dans la filtration de Moy-Prasad est définit par un indice r {\displaystyle r} tel que G ( k ) x , r + G ( k ) x , r {\displaystyle G(k)_{x,r+}\neq G(k)_{x,r}} . L'ensemble des sauts est discret et dénombrable.
  • Si r s {\displaystyle r\leq s} , alors G ( k ) x , s {\displaystyle G(k)_{x,s}} est un sous-groupe normal de G ( k ) x , r {\displaystyle G(k)_{x,r}} et g x , s {\displaystyle {\mathfrak {g}}_{x,s}} est un idéal de g x , r {\displaystyle {\mathfrak {g}}_{x,r}} . On note parfois le groupe quotient G ( k ) x , r : s := G ( k ) x , r / G ( k ) x , s {\displaystyle G(k)_{x,r:s}:=G(k)_{x,r}/G(k)_{x,s}} et l'algèbre quotient g x , r : s := g x , r / g x , s {\displaystyle {\mathfrak {g}}_{x,r:s}:={\mathfrak {g}}_{x,r}/{\mathfrak {g}}_{x,s}} .
  • Le quotient G ( k ) x , 0 : 0 + {\displaystyle G(k)_{x,0:0+}} est un groupe réductif sur le corps résiduel de O k {\displaystyle {\mathcal {O}}_{k}} , à savoir le quotient réductif maximal de la fibre spécial du O k {\displaystyle {\mathcal {O}}_{k}} -groupe donné par le parahorique G ( k ) x , 0 {\displaystyle G(k)_{x,0}} . En particulier, si k {\displaystyle k} est un corps local non-archimédien (e.g. Q p {\displaystyle \mathbb {Q} _{p}} ) alors ce quotient est un groupe fini de type Lie.
  • [ G ( k ) x , r , G ( k ) x , s ] G ( k ) x , r + s {\displaystyle [G(k)_{x,r},G(k)_{x,s}]\subseteq G(k)_{x,r+s}} et [ g x , r , g x , s ] g x , r + s {\displaystyle [{\mathfrak {g}}_{x,r},{\mathfrak {g}}_{x,s}]\subseteq {\mathfrak {g}}_{x,r+s}} ; ici le premier crochet est le commutateur et le second le crochet de Lie.
  • Pour tout automorphisme θ {\displaystyle \theta } de G {\displaystyle G} on a θ ( G ( k ) x , r ) = G ( k ) θ ( x ) , r {\displaystyle \theta (G(k)_{x,r})=G(k)_{\theta (x),r}} et d θ ( g x , r ) = g θ ( x ) , r {\displaystyle {\text{d}}\theta ({\mathfrak {g}}_{x,r})={\mathfrak {g}}_{\theta (x),r}} , où d θ {\displaystyle {\text{d}}\theta } est la dérivée de θ {\displaystyle \theta } .
  • Pour tout uniformisante ϖ {\displaystyle \varpi } de k {\displaystyle k} on a ϖ g x , r = g x , r + 1 {\displaystyle \varpi {\mathfrak {g}}_{x,r}={\mathfrak {g}}_{x,r+1}} .

Sous certaines hypothèses techniques sur G {\displaystyle G} , une propriété importante supplémentaire est satisfaite. Le quotient G ( k ) x , r : s {\displaystyle G(k)_{x,r:s}} est abélien si r s 2 r {\displaystyle r\leq s\leq 2r} . Dans ce cas il existe un isomorphisme canonique g x , r : s G ( k ) x , r : s {\displaystyle {\mathfrak {g}}_{x,r:s}\cong G(k)_{x,r:s}} , dit isomorphisme Moy-Prasad. L'hypothèse technique nécessaire pour que l'isomorphisme de Moy-Prasad existe est que G {\displaystyle G} soit modéré, c'est-à-dire que G {\displaystyle G} se scinde sur une extension modérément ramifiée du corps de base k {\displaystyle k} . Sans cette hypothèse, g x , r : s {\displaystyle {\mathfrak {g}}_{x,r:s}} et G ( k ) x , r : s {\displaystyle G(k)_{x,r:s}} ne sont pas nécessairement isomorphes[3].

Profondeur d'une représentation

La filtration de Moy-Prasad peut être utilisée pour définir un invariant numérique important d'une représentation lisse ( π , V ) {\displaystyle (\pi ,V)} de G ( k ) {\displaystyle G(k)} , la profondeur de la représentation : c'est le plus petit nombre r {\displaystyle r} tel qu'il existe x {\displaystyle x} dans l'immeuble de G {\displaystyle G} , et un vecteur non nul de V {\displaystyle V} qui est fixé par G ( k ) x , r + {\displaystyle G(k)_{x,r+}} .

À la suite de l'article définissant leur filtration, Moy et Prasad ont prouvé un théorème de structure pour les représentations supercuspidales de profondeur nulle[5]. Soit x {\displaystyle x} un point dans une face minimale de la construction de G {\displaystyle G}  ; c'est-à-dire que le sous-groupe parahorique G ( k ) x , 0 {\displaystyle G(k)_{x,0}} est parahorique maximal. Le quotient G ( k ) x , 0 : 0 + {\displaystyle G(k)_{x,0:0+}} est un groupe fini de type de Lie. Soit τ {\displaystyle \tau } être l'induction à G ( k ) x , 0 {\displaystyle G(k)_{x,0}} d'une représentation cuspidale au sens de Harish-Chandra (voir aussi Théorie de Deligne-Lusztig) de ce quotient. Le groupe parahorique G ( k ) x , 0 {\displaystyle G(k)_{x,0}} est un sous-groupe normal d'indice fini du stabilisateur G ( k ) x {\displaystyle G(k)_{x}} de x {\displaystyle x} dans G ( k ) {\displaystyle G(k)} . Soit ρ {\displaystyle \rho } être une représentation irréductible de G ( k ) x {\displaystyle G(k)_{x}} dont la restriction à G ( k ) x , 0 {\displaystyle G(k)_{x,0}} contient τ {\displaystyle \tau } comme sous-représentation. Alors l’induction compacte de ρ {\displaystyle \rho } à G ( k ) {\displaystyle G(k)} est une représentation supercuspidale de profondeur nulle. De plus, chaque représentation supercuspidale de profondeur nulle est isomorphe à l’une de cette forme.

Dans le cas modéré, la correspondance de Langlands locale devrait préserver la profondeur, où la profondeur d'un paramètre L est définie en utilisant la filtration (en indice supérieur) sur le groupe de Weil[6].

Construction

Même si nous avons défini x {\displaystyle x} se comme étant dans l'immeuble étendu de G {\displaystyle G} , il s'avère que le sous-groupe de Moy-Prasad G ( k ) x , r {\displaystyle G(k)_{x,r}} ne dépend que de l'image de x {\displaystyle x} dans l'immeuble réduit.

La description suivante de la construction fait suite à l'article de Yu sur les modèles lisses[7].

Tores

Puisque les tores algébriques constituent une classe particulière de groupes réductifs, la théorie de la filtration de Moy-Prasad s'applique. Il s’avère que la construction des sous-groupes de Moy-Prasad pour un groupe réductif général repose sur la construction de tori. Nous commençons donc par discuter du cas où G = T {\displaystyle G=T} est un tore. Puisque l'immeuble réduit d’un tore est un point, il n’y a qu’un seul choix pour x {\displaystyle x} , et donc nous écrirons T ( k ) r := T ( k ) x , r {\displaystyle T(k)_{r}:=T(k)_{x,r}} .

D'abord, considérons le cas particulier où T {\displaystyle T} est la restriction à la Weil de G m {\displaystyle \mathbb {G} _{\text{m}}} le long d'une extension finie séparable {\displaystyle \ell } de k {\displaystyle k} , de sorte que T ( k ) = × {\displaystyle T(k)=\ell ^{\times }} . Dans ce cas, nous définissons T ( k ) r {\displaystyle T(k)_{r}} comme l'ensemble des a × {\displaystyle a\in \ell ^{\times }} tels que val k ( x 1 ) r {\displaystyle {\text{val}}_{k}(x-1)\geq r} , où val k : R {\displaystyle {\text{val}}_{k}:\ell \to \mathbb {R} } est l’unique extension de la valorisation de k {\displaystyle k} à {\displaystyle \ell } .

Un tore est dit induit s’il est le produit direct d’un nombre fini de tores de la forme considérée au paragraphe précédent. Le r {\displaystyle r} -ième sous-groupe de Moy-Prasad d’un tore induit est défini comme le produit du r {\displaystyle r} -ième sous-groupe de Moy-Prasad de ces facteurs.

Deuxièmement, considérons le cas où r = 0 {\displaystyle r=0} mais T {\displaystyle T} est un tore arbitraire. Ici le sous-groupe de Moy-Prasad T ( k ) 0 {\displaystyle T(k)_{0}} est défini comme les points entiers du modèle de Néron de T {\displaystyle T} [8]. Cette définition coïncide avec celle donnée précédemment lorsque T {\displaystyle T} est un tore induit.

Il s’avère que tout tore peut être inclus dans un tore induit. Pour définir les sous-groupes de Moy-Prasad d'un tore général T {\displaystyle T} , nous choisissons un plongement de T {\displaystyle T} dans un tore induit S {\displaystyle S} et poser T ( k ) r := T ( k ) 0 S ( k ) r {\displaystyle T(k)_{r}:=T(k)_{0}\cap S(k)_{r}} . Cette construction est indépendante du choix du tore induit et du plongement.

Groupes réductifs

Par souci de simplicité, nous décrirons d’abord la construction du sous-groupe de Moy-Prasad G ( k ) x , r {\displaystyle G(k)_{x,r}} dans le cas où G {\displaystyle G} est scindé. Ensuite, nous commenterons la définition générale.

Soit T {\displaystyle T} un tore scindé maximal de G {\displaystyle G} dont l'appartement contient x {\displaystyle x} , et Φ {\displaystyle \Phi } le système racine de G {\displaystyle G} par rapport à T {\displaystyle T} .

Pour chaque α Φ {\displaystyle \alpha \in \Phi } , soit U α {\displaystyle U_{\alpha }} le sous-groupe de racines de G {\displaystyle G} par rapport à α {\displaystyle \alpha } . En tant que groupe abstrait U α {\displaystyle U_{\alpha }} est isomorphe à G a {\displaystyle \mathbb {G} _{\text{a}}} , de façon non-canonique. Le point x {\displaystyle x} détermine, pour chaque racine α {\displaystyle \alpha } , une valuation additive v α , x : U α ( k ) R {\displaystyle v_{\alpha ,x}:U_{\alpha }(k)\to \mathbb {R} } . Nous définissons U α ( k ) x , r := { u U α ( k ) : v α , x ( u ) r } {\displaystyle U_{\alpha }(k)_{x,r}:=\{u\in U_{\alpha }(k):v_{\alpha ,x}(u)\geq r\}} .

Enfin, le sous-groupe de Moy-Prasad G ( k ) x , r {\displaystyle G(k)_{x,r}} est défini comme le sous-groupe de G ( k ) {\displaystyle G(k)} générés par les sous-groupes U α ( k ) x , r {\displaystyle U_{\alpha }(k)_{x,r}} pour α Φ {\displaystyle \alpha \in \Phi } et le sous-groupe T ( k ) r {\displaystyle T(k)_{r}} .

Si G {\displaystyle G} n'est pas scindé, alors le sous-groupe de Moy-Prasad G ( k ) x , r {\displaystyle G(k)_{x,r}} est défini par une descendance non ramifiée du cas quasi-scindé, une astuce standard dans la théorie de Bruhat-Tits. Plus précisément, on généralise d’abord la définition des sous-groupes Moy-Prasad donnée ci-dessus au cas où G {\displaystyle G} n'est que quasi-divisé, à l'aide du système de racines relatif. À partir de là, le sous-groupe de Moy-Prasad peut être défini en passant à l'extension non ramifiée maximale k nr {\displaystyle k^{\text{nr}}} de k {\displaystyle k} , un corps sur lequel tout groupe réductif, et en particulier G {\displaystyle G} , est quasi-scindé. On descent à k {\displaystyle k} en prenant les points fixes de ce groupe de Moy-Prasad sous le groupe de Galois de k nr {\displaystyle k^{\text{nr}}} sur k {\displaystyle k} .

Algèbres de Lie

Soit g {\displaystyle {\mathfrak {g}}} l'algèbre de Lie de G {\displaystyle G} . Dans une procédure similaire à celle des groupes réductifs, à savoir en définissant les filtrations de Moy-Prasad sur l'algèbre de Lie d'un tore et l'algèbre de Lie d'un groupe de racine, on peut définir les algèbres de Lie de Moy-Prasad g x , r {\displaystyle {\mathfrak {g}}_{x,r}} de g {\displaystyle {\mathfrak {g}}}  ; ce sont des O k {\displaystyle {\mathcal {O}}_{k}} -réseaux du k {\displaystyle k} -espace vectoriel g {\displaystyle {\mathfrak {g}}} . Quand r 0 {\displaystyle r\geq 0} , il se trouve que g x , r {\displaystyle {\mathfrak {g}}_{x,r}} est juste l'algèbre de Lie du O k {\displaystyle {\mathcal {O}}_{k}} -schéma en groupe G x , r {\displaystyle G_{x,r}} .

Ensemble d'indices

Nous avons défini la filtration de Moy-Prasad au point x {\displaystyle x} indicé par l'ensemble R {\displaystyle \mathbb {R} } de nombres réels. Il est courantt d'étendre légèrement l'ensemble d'indexation, à l'ensemble R ~ {\displaystyle {\widetilde {\mathbb {R} }}} composé de R {\displaystyle \mathbb {R} } et symboles formels r + {\displaystyle r+} avec r R {\displaystyle r\in \mathbb {R} } . L'élément r + {\displaystyle r+} est considéré comme étant infinitésimalement plus grand que r {\displaystyle r} , et la filtration est étendue à ce cas en définissant G ( k ) x , r + := s > r G ( k ) x , s {\displaystyle G(k)_{x,r+}:=\bigcup _{s>r}G(k)_{x,s}} .

Notes

Références

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Moy–Prasad filtration » (voir la liste des auteurs).
  • Siegfried Bosch, Werner Lütkebohmert et Michel Raynaud, Néron models, Berlin, New York, Springer-Verlag, coll. « Ergebnisse der Mathematik und ihrer Grenzgebiete » (no 21), (ISBN 978-3-540-50587-7, DOI 10.1007/978-3-642-51438-8, MR 1045822)
  • François Bruhat et Jacques Tits, « Groupes réductifs sur un corps local », Publications mathématiques de l'IHÉS, vol. 41, no 1,‎ , p. 5-251 (ISSN 0073-8301, DOI 10.1007/BF02715544, MR 0327923, lire en ligne)
  • (en) Tsao-Hsien Chen et Masoud Kamgarpour, « Preservation of depth in local geometric Langlands correspondence », .
  • J. Hakim et F. Murnaghan, « Distinguished Tame Supercuspidal Representations », International Mathematics Research Papers, Oxford University Press,‎ (ISSN 1687-3017, DOI 10.1093/imrp/rpn005, MR 2431732, arXiv 0709.3506)
  • Allen Moy et Gopal Prasad, « Unrefined minimal K-types for p-adic groups », Inventiones Mathematicae, vol. 116, no 1,‎ , p. 393-408 (ISSN 0020-9910, DOI 10.1007/BF01231566, MR 1253198, hdl 2027.42/46580 Accès libre)
  • Allen Moy et Gopal Prasad, « Jacquet functors and unrefined minimal K-types », Commentarii Mathematici Helvetici, European Mathematical Society Publishing House, vol. 71, no 1,‎ , p. 98-121 (ISSN 0010-2571, DOI 10.1007/bf02566411, MR 1371680)
  • Jiu-Kang Yu, « Smooth models associated to concave functions in Bruhat-Tits theory », dans Autour des schémas en groupes, Vol. III, Société mathématique de France, coll. « Panoramas et Synthèses » (no 47), (MR 3525846), p. 227-258
  • icône décorative Portail des mathématiques