Hémicontinuité

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Ne doit pas être confondu avec Semi-continuité.

En mathématiques, les deux concepts topologiques duaux d'hémicontinuité supérieure et d'hémicontinuité inférieure permettent d'étendre aux multifonctions la notion de continuité d'une fonction. En analyse fonctionnelle un autre type d'hémicontinuité est défini pour les opérateurs d'un espace de Banach dans son dual topologique et en particulier pour les opérateurs d'un espace de Hilbert dans lui-même.

Définitions

Soient A et B deux espaces topologiques, Γ une fonction multivaluée — ou « correspondance » — de A dans B, c'est-à-dire une application de A dans l'ensemble des parties de B, et a un point de A.

La correspondance Γ est dite

  • hémicontinue supérieurement en a si
    pour tout ouvert V contenant Γ(a)[1], il existe un voisinage U de a[2] tel que V contienne Γ(x) pour tous les x de U ;
  • hémicontinue inférieurement en a si
    pour tout ouvert V qui rencontre Γ(a), il existe un voisinage U de a[2] tel que V rencontre Γ(x) pour tous les x de U ;
  • continue en a si elle est hémicontinue en a, à la fois supérieurement et inférieurement ;
  • à valeurs fermées (resp. compactes, resp. quasi-compactes) si tous les Γ(a) sont fermés (resp. compacts, resp. quasi-compacts).

Le graphe de Γ est l'ensemble

G r ( Γ ) := { ( a , b ) A × B b Γ ( a ) } . {\displaystyle {\rm {Gr}}(\Gamma ):=\{(a,b)\in A\times B\mid b\in \Gamma (a)\}.}

Bien sûr, Γ est dite hémicontinue supérieurement, ou hémicontinue inférieurement, ou continue, lorsqu'elle l'est en tout point de A.

Exemples

Cette correspondance est hémicontinue inférieurement mais pas supérieurement.
  • Toute correspondance constante est continue (il est donc facile de construire des correspondances continues d'un compact dans lui-même et à valeurs non fermées).
  • La correspondance de ℝ dans ℝ définie par Γ(x) = {0} si x ≤ 0 et Γ(x) = [0, 1] si x > 0 (dont une variante est représentée ci-contre) est hémicontinue inférieurement mais pas supérieurement, puisqu'elle est à valeurs fermées mais que son graphe n'est pas fermé (cf. § « Théorème du graphe fermé » ci-dessous). Plus directement : elle n'est pas hémicontinue supérieurement au point 0 car l'ouvert ]–1, 1[ contient Γ(0) mais ne contient pas Γ(x) si x > 0.
  • Celle définie par Γ(x) = {0} si x < 0 et Γ(x) = [0, 1] si x ≥ 0 (dont une variante est représentée plus bas) est hémicontinue supérieurement, mais n'est pas hémicontinue inférieurement au point 0 car l'ouvert ]0, 1[ rencontre Γ(0) mais ne rencontre pas Γ(x) si x < 0.
  • Si tous les Γ(a) sont des singletons, autrement dit si Γ(a) = {f(a)} pour une certaine application f de A dans B :
    • Γ est hémicontinue supérieurement si et seulement si elle l'est inférieurement, et cette continuité de la correspondance Γ est équivalente à celle de l'application f.
    • le graphe de la correspondance Γ est égal à celui de l'application f (il est donc facile de construire des correspondances de ℝ dans ℝ, à valeurs compactes et de graphe fermé, qui ne sont hémicontinues ni supérieurement, ni inférieurement).

Propriétés

Caractérisations

  • Γ est hémicontinue supérieurement si et seulement sipour tout ouvert V de B, l'ensemble des points x tels que Γ(x) est inclus dans V est un ouvert de Aou encorepour tout fermé F de B, l'ensemble des points x tels que Γ(x) rencontre F est un fermé de A.
  • Γ est hémicontinue inférieurement si et seulement sipour tout ouvert V de B, l'ensemble des points x tels que Γ(x) rencontre V est un ouvert de Aou encorepour tout fermé F de B, l'ensemble des points x tels que Γ(x) est inclus dans F est un fermé de A.

En particulier :

  • l'ensemble des x pour lesquels Γ(x) est non vide est fermé dans le premier cas et ouvert dans le second[3] ;
  • si le graphe de Γ est ouvert alors Γ est hémicontinue inférieurement (puisque pour tout point y de B, l'ensemble des x tels que y ∈ Γ(x) est ouvert). La réciproque est fausse mais si Γ est hémicontinue inférieurement et si d est un écart continu sur B alors, pour tout r > 0, le graphe de la correspondance suivante est ouvert : x ↦ {yB | d(y, Γ(x)) < r} (avec, par convention, d(y, ∅) = +∞).

Opérations

Sous certaines hypothèses ou restrictions, l'hémicontinuité est préservée par les opérations usuelles[3].

  • L'hémicontinuité supérieure ou inférieure est préservée par composition, en particulier par restriction.
  • Γ est hémicontinue inférieurement au point a si et seulement si sa fermeture Γ : xΓ(x) l'est.
  • Lorsque B est normal, si Γ est hémicontinue supérieurement au point a, alors Γ l'est aussi.
  • Lorsque B est un espace localement convexe :
    • si Γ est hémicontinue inférieurement au point a alors son enveloppe convexe co(Γ) : x ↦ co(Γ(x)) l'est aussi ;
    • si Γ est hémicontinue supérieurement au point a et si l'enveloppe convexe fermée co(Γ(a)) est compacte, alors co(Γ) et co(Γ) sont aussi hémicontinues supérieurement au point a.
  • L'hémicontinuité inférieure est préservée par unions quelconques, et l'hémicontinuité supérieure est préservée par unions finies.
  • L'hémicontinuité supérieure est préservée par intersections finies, mais pas l'hémicontinuité inférieure[4]. Cependant, l'hémicontinuité inférieure est préservée par intersection avec toute correspondance de graphe ouvert[5].
  • La propriété d'être hémicontinue supérieurement et à valeurs quasi-compactes (ou compactes) est préservée par produits quelconques, et l'hémicontinuité inférieure est préservée par produits finis.

Théorème du graphe fermé

Les propriétés de compacité ou de fermeture du graphe sont intimement liées à l'hémicontinuité supérieure.

On peut d'abord généraliser le théorème classique sur l'image continue d'un compact :

Si Γ : AB est hémicontinue supérieurement et à valeurs quasi-compactes et si A est quasi-compact, alors le graphe de Γ est quasi-compact[6] (l'union des Γ(a) aussi[3],[7]).

Toute correspondance dont le graphe est fermé est évidemment à valeurs fermées. L'hémicontinuité supérieure assure une réciproque — analogue d'une propriété des fonctions continues à valeurs dans un espace séparé — et inversement, la fermeture du graphe assure l'hémicontinuité supérieure, sous une hypothèse de compacité :

Soit Γ : AB une correspondance.

  • Si Γ est hémicontinue supérieurement et à valeurs fermées et si B est régulier[8], alors le graphe de Γ est fermé dans A×B[9].
  • Si le graphe de Γ est fermé et si B est quasi-compact, alors Γ est hémicontinue supérieurement[9].
Démonstrations
  • Supposons que Γ est hémicontinue supérieurement et à valeurs quasi-compactes et que A est quasi-compact.
    • La réunion K des Γ(a) est quasi-compacte : soit (Ui)iI un recouvrement ouvert de K. Chaque quasi-compact Γ(a) est recouvert par une sous-famille finie (Ui)iIa, dont nous noterons Oa la réunion. Le quasi-compact A est recouvert par les ouverts Oa donc par une sous-famille finie (Oa)aF. La réunion J des Ia quand a parcourt F est alors finie, et (Ui)iJ recouvre K.
    • Le graphe de Γ lui-même est quasi-compact : c'est la réunion des Δ(a), où Δ est la correspondance de A dans A×B définie par Δ(a) = {a}×Γ(a).
  • Supposons que Γ est hémicontinue supérieurement et à valeurs fermées et que B est régulier et montrons que le complémentaire de Gr(Γ) est ouvert, c'est-à-dire voisinage de tous ses points. Soit (a, b) ∉ Gr(Γ) ; il existe dans B deux ouverts disjoints, V contenant le fermé Γ(a) et W contenant le point b. L'ouvert V contient Γ(a) donc contient Γ(x) pour tous les x d'un certain ouvert U contenant a. L'ouvert U×W, qui contient (a, b), est alors disjoint de Gr(Γ).
  • Supposons que Gr(Γ) est fermé et que B est quasi-compact. Alors Γ est hémicontinue supérieurement car pour tout fermé F de B, l'ensemble G des x tels que Γ(x) rencontre F est fermé dans A. En effet, la projection de A×B sur A est une application fermée et G est l'image, par cette projection, du fermé (A×F)∩Gr(Γ).

On en déduit :

Théorème — Si B est compact, le graphe de Γ : AB est fermé si et seulement si Γ est hémicontinue supérieurement et à valeurs fermées.

Caractérisations séquentielles

Cette correspondance ne vérifie pas le critère séquentiel d'hémicontinuité inférieure.

Les définitions et propriétés ci-dessus sont purement topologiques, mais la plupart des auteurs se limitent au cas des espaces métriques[10] (typiquement : des parties d'espaces euclidiens).

On suppose dans cette section que A et B sont métrisables[11].

Le graphe est alors fermé si et seulement s'il est séquentiellement fermé, c'est-à-dire si pour toutes suites convergentes ana dans A et bnb dans B telles que bn ∈ Γ(an), on a b ∈ Γ(a).

Le même principe fournit une caractérisation de l'hémicontinuité en termes de suites :

Une correspondance Γ : AB est

  1. hémicontinue supérieurement et à valeurs compactes si et seulement si, pour toutes suites ana dans A et bn ∈ Γ(an), la suite (bn) possède une valeur d'adhérence dans Γ(a)[3],[6],[12] ;
  2. hémicontinue inférieurement si et seulement si, pour toute suite ana dans A et tout b ∈ Γ(a), il existe une sous-suite (ank) de (an) et des bk ∈ Γ(ank) tels que bkb[3].
Démonstration
  1. :
    • ⇒ : supposons que Γ est hémicontinue supérieurement et à valeurs compactes et que ana et bn ∈ Γ(an). Sans perte de généralité, les seuls éléments de A sont les an et a. D'après une propriété du § précédent, le graphe de Γ est alors compact donc dans ce graphe, la suite (an, bn) possède une valeur d'adhérence (c, b), et c = a donc b ∈ Γ(a).
    • ⇐ : supposons que la condition sur les suites est vérifiée.
      • hémicontinuité : soient F un fermé de B et G l'ensemble des points x tels que Γ(x) rencontre F. Pour montrer que G est fermé, vérifions que pour toute suite (an) à valeurs dans G qui converge dans A, la limite a appartient à G. Pour cela, choisissons pour tout entier naturel n un bn ∈ Γ(an)∩F. Toute valeur d'adhérence de (bn) appartient alors à F et il en existe par hypothèse dans Γ(a), donc aG.
      • valeurs compactes : pour tout point a de A, Γ(a) est dénombrablement compact donc compact.
  2. :
    • ⇒ : supposons que Γ est hémicontinue inférieurement et ana, et fixons un b ∈ Γ(a). Pour tout entier k > 0, la boule B(b, 1/k) rencontre Γ(x) pour tout x assez voisin de a, donc rencontre Γ(an) pour tout n supérieur à un certain nk. En choisissant de plus (nk) strictement croissante, on construit ainsi une sous-suite (ank) de (an) et des bk ∈ Γ(ank)∩B(b, 1/k).
    • ⇐ : par contraposée, supposons que Γ n'est pas hémicontinue inférieurement au point a et construisons une suite ana ne vérifiant pas la condition. Soit V un ouvert qui rencontre Γ(a) en un certain b, mais tel que toute boule B(a, 1/n) contienne un an dont l'image ne rencontre pas V. Alors, pour toute sous-suite (ank) de (an) et tous bk ∈ Γ(ank), la suite (bk) est à valeurs dans le complémentaire du voisinage V de b, donc ne converge pas vers b.

Topologies sur l'ensemble des parties

Si B est métrisable, Γ : AB à valeurs compactes non vides est continue en tant que correspondance si et seulement si elle l'est en tant qu'application à valeurs dans l'ensemble des compacts non vides de B, muni de la distance de Hausdorff[3].

Il existe aussi des topologies sur l'ensemble des parties de B qui caractérisent l'hémicontinuité supérieure et inférieure[13].

Analyse fonctionnelle

Opérateur d'un espace de Banach dans son dual topologique

Soit V {\displaystyle V} un espace de Banach et V {\displaystyle V^{\prime }} son dual topologique. Pour x V {\displaystyle x\in V} et x V {\displaystyle x^{\prime }\in V^{\prime }} , on pose :

x , x := x ( x ) {\displaystyle \langle x^{\prime },x\rangle :=x^{\prime }(x)} .

Un opérateur (non nécessairement linéaire) A {\displaystyle A} de V {\displaystyle V} dans V {\displaystyle V^{\prime }} est dit hémicontinu si ses restrictions aux segments sont continues dans V {\displaystyle V^{\prime }} faible-*[14], c’est-à-dire si pour tout ( x , y , z ) V 3 {\displaystyle (x,y,z)\in V^{3}} , l’application

[ 0 , 1 ] R : t A ( x + t y ) , z {\displaystyle [0,1]\to \mathbb {R} :t\mapsto \langle A(x+ty),z\rangle }

est continue[15].

Opérateur d’un espace de Hilbert dans lui-même

En particulier, un opérateur A {\displaystyle A} d'un espace de Hilbert H {\displaystyle H} dans lui-même (canoniquement identifié à H {\displaystyle H'} ) est hémicontinu si et seulement si pour tout ( x , y , z ) H 3 {\displaystyle (x,y,z)\in H^{3}} , l’application

[ 0 , 1 ] R : t A ( x + t y ) , z {\displaystyle [0,1]\to \mathbb {R} :t\mapsto \langle A(x+ty),z\rangle }

est continue, où 〈·, ·〉 désigne le produit scalaire de H {\displaystyle H} .

Notes et références

  1. Ou pour tout voisinage V de Γ(a).
  2. a et b Ou un ouvert U contenant a.
  3. a b c d e et f (en) Charalambos D. Aliprantis et Kim C. Border, Infinite Dimensional Analysis : A Hitchhiker's Guide, Springer, , 3e éd. (1re éd. 1994), 703 p. (ISBN 978-3-540-32696-0, lire en ligne), chap. 17 (« Correspondences »).
  4. Un contre-exemple est fourni par deux applications continues de A dans B telles que l'ensemble des points où elles coïncident ne soit pas ouvert.
  5. (en) George Xian-Zhi Yuan, The Study of Minimax Inequalities and Applications to Economies and Variational Inequalities, AMS, coll. « Memoirs of the American Mathematical Society » (no 625), (lire en ligne), p. 26, Theorem 1.7.
  6. a et b (en) Anton Badev et Matthew Hoelle, « Correspondences », p. 5.
  7. (en) Efe A. Ok, Elements of Order Theory (lire en ligne), « Appendix: A Primer on Topological Spaces », p. 22, prop. 1.7.7.
  8. Ou même seulement T3.
  9. a et b Démontré dans (en) Efe A. Ok, Real Analysis with Economics Applications, PUP, , 802 p. (ISBN 978-0-691-11768-3, lire en ligne), chap. E (« Continuity II »), p. 287-305 dans le cas particulier des espaces métriques.
  10. À moins de remplacer parfois la notion de suite par celle de suite généralisée, comme Aliprantis et Border 2007.
  11. Il suffirait de les supposer à bases dénombrables de voisinages et séparés.
  12. (en) Angel de la Fuente, Mathematical Methods and Models for Economists, CUP, , 835 p. (ISBN 978-0-521-58529-3, lire en ligne), p. 108-114.
  13. (en) Erwin Klein et Anthony C. Thompson, Theory of Correspondences : Including Applications to Mathematical Economics, John Wiley & Sons, .
  14. Dans le cas où V est un espace de Banach réflexif (identifiable à son bidual), les topologies faible et faible-* sont égales.
  15. Brezis 1966.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

  • (en) Guillermo Ordoñez, « Notes on Upper Hemi-continuity », sur Penn Arts & Sciences, .
  • (en) Tigran A. Melkonyan, « Introduction to Functions, Sequences, Metric and Topological Spaces, Continuity, Semicontinuity, and Hemicontinuity », sur Université du Nevada à Reno, .
  • (en) Chris Shannon, « Economics 204/Lecture 7 », sur UC Berkeley, Economics Laboratory Software Archive, .

Bibliographie

  • (en) Jean-Pierre Aubin et Arrigo Cellina, Differential Inclusions, Set-Valued Maps And Viability Theory, Grundl. der Math. Wiss., vol. 264, Springer, 1984.
  • (en) Jean-Pierre Aubin et Hélène Frankowska, Set-Valued Analysis, Bâle, Birkhäuser, (lire en ligne).
  • Claude Berge, Espaces topologiques, fonctions multivoques, 1959 — (en) Topological Spaces: Including a Treatment of Multi-Valued Functions, Vector Spaces and Convexity, chap. VI sur Google Livres.
  • Haïm R. Brezis, « Les opérateurs monotones », Séminaire Choquet — Initiation à l'analyse, t. 5, no 2 (1965-1966),‎ , p. 1-33, article no 10 (lire en ligne).
  • (en) Klaus Deimling, Multivalued Differential Equations, Walter de Gruyter, 1992 [lire en ligne]
  • (en) Andreu Mas-Colell, Michael D. Whinston et Jerry R. Green, Microeconomic Theory, OUP, 1995, p. 949-951.
  • (en) Ernest Michael (en), « Continuous selections », dans Klaus P. Hart, Jun-iti Nagata et Jerry E. Vaughan, Encyclopedia of General Topology, Elsevier, (ISBN 978-0-08053086-4, lire en ligne), p. 107-109.
  • (en) Hôǹg Thái Nguyêñ, M. Juniewicz et J. Ziemińska, « CM-Selectors for Pairs of Oppositely Semicontinuous Multifunctions and Some Applications to Strongly Nonlinear Inclusions », Zeitschrift für Analysis und ihre Anwendungen, vol. 19, no 2,‎ , p. 381-393 (lire en ligne).
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