Théorème des zéros de Hilbert

Cet article est une ébauche concernant les mathématiques.

Vous pouvez partager vos connaissances en l’améliorant (comment ?) selon les recommandations des projets correspondants.

Le théorème des zéros de Hilbert, parfois appelé Nullstellensatz, est un théorème d'algèbre commutative qui est à la base du lien entre les idéaux et les variétés algébriques. Il a été démontré par le mathématicien allemand David Hilbert.

Énoncés

Une algèbre de type fini sur K est un anneau quotient d'un anneau de polynômes K[X1,…,Xn] par un idéal. Sa structure de K-algèbre est induite par celle de K[X1,…,Xn]. Il existe plusieurs formulations du théorème des zéros de Hilbert.

Théorème 1 (Lemme de Zariski[1]). Soient K un corps et A une K-algèbre de type fini. Alors tout quotient de A par un idéal maximal est une extension finie de K.

De façon équivalente : si A est un corps, alors c'est une extension finie de K.

Démonstration[2]

Procédons par récurrence sur le nombre de générateurs de la K-algèbre A, supposée être un corps. Il faut montrer que ces générateurs sont algébriques sur K. S'il n'y a pas de générateur, il n'y a rien à démontrer. Supposons le résultat vrai pour toute K-algèbre engendrée par n générateurs qui soit également un corps et donnons-nous une K-algèbre A engendrée par n + 1 éléments x 0 , x 1 , . . . , x n {\displaystyle x_{0},x_{1},...,x_{n}} qui soit un corps.

  • A est engendrée par x 1 , . . . , x n {\displaystyle x_{1},...,x_{n}} sur K ( x 0 ) {\displaystyle K(x_{0})} , corps des fractions de K [ x 0 ] {\displaystyle K[x_{0}]} inclus dans le corps A. Par hypothèse de récurrence, les x i , i > 0 {\displaystyle x_{i},i>0} , sont annulés par des polynômes unitaires P i {\displaystyle P_{i}} à coefficients dans K ( x 0 ) {\displaystyle K(x_{0})} et il reste à voir que x 0 {\displaystyle x_{0}} est algébrique sur K.
  • Notant f K [ x 0 ] {\displaystyle f\in K[x_{0}]} le produit de tous les dénominateurs intervenant dans les coefficients des P i {\displaystyle P_{i}} , les x i {\displaystyle x_{i}} sont entiers sur le localisé K [ x 0 ] f {\displaystyle K[x_{0}]_{f}} , donc A est entier sur K [ x 0 ] f {\displaystyle K[x_{0}]_{f}} .
  • Si x 0 {\displaystyle x_{0}} était transcendant sur K, alors K [ x 0 ] f {\displaystyle K[x_{0}]_{f}} serait intégralement clos donc, d'après le point précédent, égal à K ( x 0 ) {\displaystyle K(x_{0})} , ce qui est absurde. Finalement, x 0 {\displaystyle x_{0}} est bien algébrique sur K.

Ce théorème a plusieurs conséquences immédiates.

On note Spm A le spectre maximal d'un anneau A, c.-à-d. l'ensemble des idéaux maximaux de A.

Théorème 2 (Nullstellensatz faible). Supposons que K {\displaystyle K} est algébriquement clos. Alors la fonction

ϕ : K n Spm K [ X 1 , , X n ] ( a 1 , , a n ) ( X 1 a 1 , , X n a n ) {\displaystyle {\begin{array}{lcll}\phi :&K^{n}&\to &\operatorname {Spm} K[X_{1},\dots ,X_{n}]\\&(a_{1},\dots ,a_{n})&\mapsto &(X_{1}-a_{1},\dots ,X_{n}-a_{n})\end{array}}}

est une bijection, où ( X 1 a 1 , , X n a n ) {\displaystyle (X_{1}-a_{1},\dots ,X_{n}-a_{n})} désigne l'idéal engendré par les X i a i {\displaystyle X_{i}-a_{i}} .

Autrement dit, un point de K n {\displaystyle K^{n}} s'identifie avec un idéal maximal de polynômes à n {\displaystyle n} indéterminées sur K {\displaystyle K} quand K {\displaystyle K} est algébriquement clos.

Démonstration

Soit M Spm K [ X 1 , , X n ] {\displaystyle M\in \operatorname {Spm} K[X_{1},\dots ,X_{n}]} un idéal maximal. D'après le théorème 1, K[X1,…,Xn]/M est une extension finie de K ; il est donc égal à K car un corps algébriquement clos n'a que lui-même comme extension finie. Pour tout i = 1 , 2 , , n {\displaystyle i=1,2,\dots ,n} , on note a i K {\displaystyle a_{i}\in K} la classe de X i {\displaystyle X_{i}} dans le quotient. Alors X i a i {\displaystyle X_{i}-a_{i}} appartient à M {\displaystyle M} . Donc M {\displaystyle M} contient l'idéal ( X 1 a 1 , , X n a n ) {\displaystyle (X_{1}-a_{1},\dots ,X_{n}-a_{n})} . Comme celui-ci est maximal, on a l'égalité. L'unicité de ( a 1 , , a n ) {\displaystyle (a_{1},\dots ,a_{n})} résulte du fait que si ( b 1 , , b n ) {\displaystyle (b_{1},\dots ,b_{n})} est un autre n-uplet vérifiant la même propriété, alors a i b i = ( X i b i ) ( X i a i ) {\displaystyle a_{i}-b_{i}=(X_{i}-b_{i})-(X_{i}-a_{i})} appartient à M {\displaystyle M} , et est donc nul car sinon ce serait un scalaire inversible dans M {\displaystyle M} .

Théorème 3 (Existence des zéros). Si K est un corps algébriquement clos, alors pour tout idéal propre I {\displaystyle I} de K[X1,…,Xn], il existe un point de Kn racine de tout élément de I {\displaystyle I} .

Ce résultat n'est pas vrai si K n'est pas algébriquement clos. L'idéal M des multiples de X2 + 1 est maximal dans ℝ[X] puisque le quotient de ℝ[X] par M est un corps isomorphe à ℂ, pourtant le polynôme n'admet pas de racine dans ℝ.

Démonstration

Soit I {\displaystyle I} un tel idéal. Il est contenu dans un idéal maximal M {\displaystyle M} . Il suit du théorème 2 que M = ( X 1 a 1 , , X n a n ) {\displaystyle M=(X_{1}-a_{1},\dots ,X_{n}-a_{n})} et donc ( a 1 , , a n ) {\displaystyle (a_{1},\ldots ,a_{n})} est une racine commune des éléments de I {\displaystyle I} .

Théorème 4. Soit I {\displaystyle I} un idéal d'une algèbre de type fini A sur K. Alors le radical I de I {\displaystyle I} est égal à l'intersection des idéaux maximaux de A contenant I {\displaystyle I} .

Démonstration

Quitte à remplacer A {\displaystyle A} par A / I {\displaystyle A/I} , on peut supposer que I = 0 {\displaystyle I=0} . L'inclusion du nilradical dans l'intersection des maximaux est immédiate. Il reste à montrer l'inclusion inverse. Soit f {\displaystyle f} appartenant à l'intersection des maximaux de A {\displaystyle A} . Si f {\displaystyle f} n'est pas nilpotent, on peut considérer la partie multiplicative S {\displaystyle S} de A {\displaystyle A} constituée des puissances entières strictement positives de f {\displaystyle f} . La localisation A f = S 1 A {\displaystyle A_{f}=S^{-1}A} est encore une algèbre de type fini sur K car elle est isomorphe à A [ T ] / ( T f 1 ) {\displaystyle A[T]/(Tf-1)} . Soient M {\displaystyle M'} un idéal maximal de A f {\displaystyle A_{f}} et M {\displaystyle M} son image réciproque dans A {\displaystyle A} par l'homomorphisme canonique de localisation A A f {\displaystyle A\to A_{f}} . Alors A / M A f / M {\displaystyle A/M\to A_{f}/M'} est injectif. Par le théorème 1, A f / M {\displaystyle A_{f}/M'} est une extension finie de K, donc entier sur A / M {\displaystyle A/M} . C'est alors un exercice facile de voir que A / M {\displaystyle A/M} est un corps, et donc M {\displaystyle M} est maximal. Par sa construction, M {\displaystyle M} ne contient pas f {\displaystyle f} (celui-ci étant inversible dans A f {\displaystyle A_{f}} , M {\displaystyle M'} serait égal à l'idéal unité sinon). Ce qui aboutit à une contradiction puisque f {\displaystyle f} est supposé appartenir à tous les idéaux maximaux de A {\displaystyle A} .

Si P {\displaystyle P} est un polynôme appartenant à K[X1,…,Xn], les zéros de P {\displaystyle P} dans Kn sont les points ( a 1 , , a n ) K n {\displaystyle (a_{1},\ldots ,a_{n})\in K^{n}} tels que P ( a 1 , , a n ) = 0 {\displaystyle P(a_{1},\ldots ,a_{n})=0} .

Corollaire (Nullstellensatz fort). Supposons K algébriquement clos. Soient I {\displaystyle I} un idéal de K[X1,…,Xn] et Z ( I ) {\displaystyle Z(I)} l'ensemble des zéros communs des polynômes de I {\displaystyle I} . Si f {\displaystyle f} est un polynôme dans K[X1,…,Xn] qui s'annule sur Z ( I ) {\displaystyle Z(I)} , alors une puissance de f {\displaystyle f} appartient à I {\displaystyle I} .

Démonstration

Pour tout idéal maximal M = ( X 1 a 1 , , X n a n ) {\displaystyle M=(X_{1}-a_{1},\dots ,X_{n}-a_{n})} contenant I {\displaystyle I} , ( a 1 , , a n ) {\displaystyle (a_{1},\dots ,a_{n})} est un point de Z ( I ) {\displaystyle Z(I)} , donc annule f {\displaystyle f} . Il suit que f {\displaystyle f} appartient à M {\displaystyle M} . Par le théorème 4, f {\displaystyle f} appartient au radical de I {\displaystyle I} , donc une puissance de f {\displaystyle f} appartient à I {\displaystyle I} .

Le théorème 2 sur la structure des idéaux maximaux est faux sur un corps non algébriquement clos (même en une variable). Cependant, la propriété plus faible suivante subsiste :

  • Tout idéal maximal M {\displaystyle M} de K[X1,…,Xn] (K non nécessairement clos) est engendré par n {\displaystyle n} polynômes.

Par la théorie de la dimension de Krull, on sait qu'aucun idéal maximal de K[X1,…,Xn] ne peut être engendré par strictement moins que n {\displaystyle n} éléments.

Une forme particulière du théorème des zéros est le théorème d'existence des zéros (th. 3 ci-dessus) qui, par contraposée, peut se reformuler ainsi :

  • Soit K un corps algébriquement clos, soient f 0 , , f m K [ X 1 , , X n ] {\displaystyle f_{0},\dots ,f_{m}\in K[X_{1},\dots ,X_{n}]} des polynômes sans zéros communs. Alors il existe g 0 , , g m K [ X 1 , , X n ] {\displaystyle g_{0},\dots ,g_{m}\in K[X_{1},\dots ,X_{n}]} vérifiant l'identité de Bézout
f 0 g 0 + + f m g m = 1. {\displaystyle f_{0}g_{0}+\dots +f_{m}g_{m}=1.}

L'astuce de Rabinowitsch (en)[3] montre que ce cas particulier du Nullstellensatz fort implique le cas général. En effet si, dans K[X1,…,Xn], I {\displaystyle I} est l'idéal engendré par f 1 , , f m {\displaystyle f_{1},\dots ,f_{m}} et f {\displaystyle f} est un polynôme qui s'annule sur Z ( I ) {\displaystyle Z(I)} , on considère l'idéal de K[X0,X1,…,Xn] engendré par f 1 , , f m {\displaystyle f_{1},\dots ,f_{m}} et par le polynôme 1 f X 0 {\displaystyle 1-fX_{0}} . Cet idéal n'a pas de zéros communs dans Kn+1. Donc il existe g 0 , , g m K [ X 0 , , X n ] {\displaystyle g_{0},\dots ,g_{m}\in K[X_{0},\dots ,X_{n}]} tels que l'on ait

( 1 f X 0 ) g 0 + f 1 g 1 + + f m g m = 1. {\displaystyle (1-fX_{0})g_{0}+f_{1}g_{1}+\ldots +f_{m}g_{m}=1.}

En remplaçant dans cette identité X 0 {\displaystyle X_{0}} par 1 / f {\displaystyle 1/f} , et en multipliant les deux côtés par une puissance convenable N {\displaystyle N} de f {\displaystyle f} , on voit que cette puissance de f {\displaystyle f} appartient à I {\displaystyle I} . De plus, on peut majorer N {\displaystyle N} par le maximum des degrés totaux de g 1 , , g m {\displaystyle g_{1},\dots ,g_{m}} .

Notes et références

  1. (en) Oscar Zariski, « A new proof of Hilbert's Nullstellensatz », Bull. Amer. Math. Soc., vol. 53, no 4,‎ , p. 362-368 (lire en ligne), Hn
    3
    , p. 363-364.
  2. (en) M. F. Atiyah et I. G. Macdonald, Introduction to Commutative Algebra, Addison-Wesley, (lire en ligne), chap. 5, exercice 18, reproduit cette preuve due à Zariski, et en donne deux autres (corollaire 5.24 et proposition 7.9).
  3. (de) J. L. Rabinowitsch, « Zum Hilbertschen Nullstellensatz », Math. Ann., vol. 102,‎ , p. 520 (lire en ligne)
  • (en) David Eisenbud, Commutative Algebra with a View Toward Algebraic Geometry, Springer, coll. « GTM » (no 150), , 797 p. (ISBN 978-0-387-94269-8, lire en ligne)
  • Serge Lang, Algèbre [détail des éditions], chap. X, § 2
  • (en) Christian Peskine, An Algebraic Introduction to Complex Projective Geometry, vol. I : Commutative Algebra, CUP, coll. « Cambridge Studies in Adv. Math. » (no 47), , 244 p. (ISBN 978-0-521-48072-7, lire en ligne), chap. 10 (sur un corps de base infini)

Voir aussi

Articles connexes

Lien externe

(en) Florian Enescu, « Commutative Algebra — Lecture 13 », sur Georgia State University

  • icône décorative Portail de l’algèbre