Valeur absolue ultramétrique

Une valeur absolue ultramétrique est une application d'un corps K dans l'ensemble ℝ+ des nombres réels positifs vérifiant les trois propriétés suivantes[1] :

  • | x | = 0 R x = 0 K {\displaystyle |x|=0_{\mathbb {R} }\iff x=0_{K}} (axiome de séparation) ;
  • | x y | = | x | | y | {\displaystyle |xy|=|x||y|} (morphisme de groupes multiplicatifs de K* dans ℝ+*) ;
  • | x + y | max ( | x | , | y | ) {\displaystyle |x+y|\leq \max(|x|,|y|)} (inégalité ultramétrique)

quels que soient les éléments x {\displaystyle x} et y {\displaystyle y} de K.

Exemples

Valeur absolue triviale

La valeur absolue triviale sur K associe à 0 la valeur 0, et à tout autre élément de K la valeur 1.

C'est la valeur absolue ultramétrique associée à la valuation triviale sur K.

Valeur absolue p-adique

Soit un nombre premier arbitraire p {\displaystyle p} . On peut écrire de façon unique n'importe quel nombre rationnel r {\displaystyle r} sous la forme :

r = p k a b {\displaystyle r=p^{k}{\frac {a}{b}}} k Z {\displaystyle k\in \mathbb {Z} } et où a {\displaystyle a} et b {\displaystyle b} sont premiers entre eux et premiers avec p {\displaystyle p} .

On définit alors l'application associant à un nombre rationnel r {\displaystyle r} la valeur | r | p = p k {\displaystyle |r|_{p}=p^{-k}} . Par exemple, | 21 4 | 2 = 4 ,   | 15 7 | 2 = 1  et  | 60 11 | 2 = 1 4 . {\displaystyle \left|{\frac {21}{4}}\right|_{2}=4,~\left|{\frac {15}{7}}\right|_{2}=1{\text{ et }}\left|{\frac {60}{11}}\right|_{2}={\frac {1}{4}}.}

Cette application est une valeur absolue ultramétrique sur le corps Q {\displaystyle \mathbb {Q} } , associée à la valuation p-adique.

Liens avec les notions voisines

  • Une telle application est un cas particulier de valeur absolue sur un corps.
  • L'application d : (x, y) ↦ |y – x| est par conséquent une distance sur K, la symétrie étant due au fait que | x | = | x | {\displaystyle |-x|=|x|} pour tout élément x {\displaystyle x} de K.
  • Cette distance est ultramétrique.
  • Une application est une valeur absolue ultramétrique si et seulement si c'est une valeur absolue associée à une valuation à valeurs réelles[2].

Propriétés

  • Notons e {\displaystyle e} désigne l'élément neutre pour la multiplication de K.

| e | = | e | = 1 {\displaystyle |e|=|-e|=1}

| x | = | x | {\displaystyle |-x|=|x|} pour tout élément x {\displaystyle x} de K[3].

Démonstration

| e | = | e . e | = | e | . | e | {\displaystyle |e|=|e.e|=|e|.|e|} . L'équation | e | = | e | . | e | {\displaystyle |e|=|e|.|e|} d'inconnue | e | {\displaystyle |e|} n'a que deux solutions dans R {\displaystyle \mathbb {R} } , 0 {\displaystyle 0} et 1 {\displaystyle 1} . L'axiome de séparation garantit que | e | 0 {\displaystyle |e|\neq 0} , il vient donc | e | = 1 {\displaystyle |e|=1} .

De même, | e | = | e . e | = | e | . | e | {\displaystyle |e|=|-e.-e|=|-e|.|-e|} , donc | e | 2 = 1 {\displaystyle |-e|^{2}=1} . Comme de plus la valeur absolue ne prend que des valeurs positives, on a | e | = 1 {\displaystyle |-e|=1} .

Enfin, | x | = | e . x | = | e | . | x | = 1. | x | = | x | {\displaystyle |-x|=|-e.x|=|-e|.|x|=1.|x|=|x|} , et donc | x | = | x | {\displaystyle |-x|=|x|} [1].

  • Pour tout couple (a, b) d'éléments du corps K,

| a | | b | | a + b | = max ( | a | , | b | ) {\displaystyle |a|\neq |b|\Rightarrow |a+b|=\max(|a|,|b|)} [4].

Démonstration

Comme | a | | b | {\displaystyle |a|\neq |b|} , l'un des deux est strictement inférieur à l'autre. Supposons sans perte de généralité que | a | < | b | {\displaystyle |a|<|b|} .

D'après l'inégalité ultramétrique, | b | = | ( b + a ) + ( a ) | max ( | b + a | , | a | ) {\displaystyle |b|=|(b+a)+(-a)|\leq \max(|b+a|,|-a|)} . Or | a | = | a | {\displaystyle |-a|=|a|} d'après une propriété précédente. On a donc | b | max ( | b + a | , | a | ) {\displaystyle |b|\leq \max(|b+a|,|a|)} .

Comme | a | {\displaystyle |a|} est par hypothèse strictement inférieur à | b | {\displaystyle |b|} , cette inégalité ne peut se réaliser que si | b | | b + a | {\displaystyle |b|\leq |b+a|} .

Par ailleurs, en appliquant à nouveau l'inégalité ultramétrique, | b + a | max ( | b | , | a | ) = | b | {\displaystyle |b+a|\leq \max(|b|,|a|)=|b|} .

En assemblant ces deux résultats, on a | b | | b + a | | b | {\displaystyle |b|\leq |b+a|\leq |b|} , ce qui prouve que | a + b | = | b | = max ( | a | , | b | ) {\displaystyle |a+b|=|b|=\max(|a|,|b|)} [1].

Notes et références

  1. a b et c Martin Aigner, Günter M. Ziegler et Nicolas Puech (trad. de l'anglais), Raisonnements divins : quelques démonstrations mathématiques particulièrement élégantes, Paris/Berlin/Heidelberg etc., Springer, , troisième éd., 308 p. (ISBN 978-2-8178-0399-9), p. 150-151
  2. N. Bourbaki, Algèbre commutative, chap. 6, § 6, no 2, aperçu sur Google Livres.
  3. Ces propriétés proviennent du fait qu'il s'agit d'un cas particulier de valeur absolue sur un corps.
  4. Cet énoncé équivaut au fait que dans l'espace métrique (K, d), tout triangle est isocèle et de base inférieure ou égale aux deux côtés égaux. C'est une propriété générale des espaces ultramétriques, démontrée dans l'article « Distance ultramétrique ».

Article connexe

Norme ultramétrique

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